Agriculture urbaine : la dynamique reste vive
Alors qu’une session de trois jours sera consacrée dans le cadre d’IHC à ce nouveau modèle, portrait d’une tendance qui, petit à petit, s’installe durablement dans l’Hexagone.
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si le phénomène concerne pour le moment majoritairement les grandes métropoles, un peu partout dans le monde, l’agriculture urbaine poursuit son développement. Il ne se passe pas une semaine sans qu’un nouveau projet soit annoncé. Le 1er juillet prochain, par exemple, Les Fermes de Gally, qui englobent La Ferme de Gally, à Saint-Cyr-l’École (78), inaugurent à La Ferme ouverte de Saint-Denis (93) une serre sur un toit conçue pour « réduire le CO2, économiser la chaleur et produire local ».
Cette idée est née dans le cadre du projet européen Groof1 (soit Greenhouse to reduce CO2), qui a pour but « d’étudier, en grandeur nature, la réduction des émissions de CO2 et les économies d’énergie associées à une production locale. Les enseignements tirés de ce programme auront vocation à être appliqués, adaptés, ailleurs en France et en Europe, pour développer une agriculture urbaine économiquement viable ». Cette expérimentation grandeur nature est financée par l’Europe et Les Jardins de Gally, entreprise qui exploite La Ferme ouverte de Saint-Denis.
À Paris même, le projet Nature urbaine, une unité de production installée sur le toit du pavillon 6 du parc des expositions à la Porte-de-Versailles (15e), vient d’annoncer pour sa part pouvoir émettre des certificats de compensation carbone. En effet, la performance de la production en termes d’émission de CO2 est très intéressante : « Chaque kilo de légumes ou de fruits qui est issu de la culture de Nature urbaine produit 1,3 kg de CO2 de moins qu’un kilo du même produit issu de l’agriculture conventionnelle (soit 0,77 kg de CO2 émis contre 2,07 kg de CO2) », annonce le gestionnaire.
Il est important de noter que ce n’est évidemment pas la start-up qui a effectué elle-même le calcul des émissions carbone de l’activité, mais un expert. Les résultats ont par la suite été validés par l’organisme de certification Ecocert…
Les échecs sont des épiphénomènes
Cette dynamique peut surprendre, alors que l’on pouvait penser que le secteur marquait le pas. La pandémie de Covid-19 avait, par exemple, amené le groupe InVivo à stopper ses activités dans le secteur. Exit la production de jeunes pousses en camion électrique créée fin 2018 sous le nom de « Pluche », qui ambitionnait de fournir en jeunes feuilles diverses et savoureuses certains restaurants parisiens (Le Lien horticole n° 1079 de novembre 2018).
Cet arrêt n’est rien à côté de la nouvelle tombée récemment : la start-up à l’origine du projet Agricool, lancé en 2015 et dont l’objectif était de cultiver des fraises en conteneurs, a été, en début d’année, placée en redressement judiciaire. Le projet a, certes, été repris récemment par une société lyonnaise, mais pour une somme dérisoire, 50 000 euros, aux antipodes des 25 millions d’euros que la levée de fonds avait permis de rassembler, fin 2018, selon certaines sources. Et si l’on en croit la rubrique « La semaine tech » de la revue Web Cafétech, seuls sept des 48 salariés de la jeune entreprise sont conservés…
Pour l’instant, ces échecs semblent donc n’être que des épiphénomènes qui n’enrayent pas la logique de développement de cette tendance. Le ministère de l’Agriculture, qui a récemment commandé un rapport de mission au CGAAER (le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux), confirme cette dynamique. Rendu public en 2020 après une cinquantaine d’entretiens et la participation à une dizaine de journées sur l’agriculture urbaine, le rapport précise qu’elle croît régulièrement depuis une dizaine d’années, « avec une accélération de la création de structures et l’émergence d’initiatives ».
Il est probable que la tendance dure : aux 21 millions d’euros prévus pour financer l’appel à projets Les Quartiers fertiles, de février dernier afin de déployer de façon plus massive l’agriculture au sein des territoires en renouvellement urbain, ce sont pas moins de 13 millions d’euros de plus qui ont été ajoutés dans le plan de relance gouvernemental.
Un équilibre économique délicat
Dans les aspects économiques, toujours, le journal Les Échos expliquait, dans son édition du 8 octobre 2021, pour présenter les résultats de la quatrième édition des Parisculteurs, un concours parisien qui permet de lancer des initiatives d’agriculture urbaine, que, désormais, les projets sont « plus inclusifs », témoignant d’une « attention poussée au modèle économique ».
Le quotidien poursuit son analyse après avoir recensé les projets retenus par la Ville de Paris : « la question de l’équilibre économique reste délicate ». L’article, citant un entrepreneur ayant dû renoncer à son projet, précise que, selon lui, « le concept d’agriculture urbaine s’est affiné : il est mieux compris et les projets deviennent plus réalistes. Mais les premières années, il y a eu des échecs : des projets trop ambitieux, sans débouchés, sans modèle économique tenable, ou pour des sites pas toujours très adaptés ».
Audrey Pulvar, la très médiatique adjointe à la mairie de Paris, qui suit le sujet, complète : « Installer des projets plus productifs est toujours plus compliqué que faire de l’agriculture urbaine de loisir, mais, désormais, nous avons du recul et nous savons comment mieux accompagner les porteurs de projets au moment de leur installation et s’agissant de l’investissement en matériel. »
Pour mesurer l’ampleur de l’activité, la revue spécialisée Agri-city.info a rassemblé toutes les données disponibles à l’échelle aussi bien française que mondiale, dans un baromètre sorti au printemps. Le média estime que le secteur de l’agriculture urbaine pourrait potentiellement réaliser un chiffre d’affaires de 286 milliards de dollars en 2026 à l’échelle planétaire.
Son annuaire recense 244 structures actives en France. Quelques chiffres importants ont aussi été publiés : 50 % des agriculteurs urbains professionnels ont moins de 40 ans ; seuls 30 % tirent leur revenu principal de l’agriculture ; 44 % cultivent en pleine terre, les autres sont en hydroponie, en aéroponie ou bien en aquaponie.
Enfin, on peut retenir que les lauréats de l’appel à projets Anru Quartiers fertiles cultivent à plus de 65 % des légumes et pour près de 50 % des petits fruits, loin devant toute autre production…
Des réflexions à poursuivre à Angers
Cette dynamique se poursuit, malgré un contexte économique qui se tend, des découragements et des accidents de parcours qui sont absorbés par les opérateurs du marché et les investisseurs… L’agriculture urbaine semble grandir à un rythme soutenu et commence même à se structurer.
C’est justement l’ensemble de cette structuration qui sera à découvrir à Angers (49) au mois d’août, à l’occasion du congrès mondial de l’horticulture IHC (voir le programme en encadré). Au vu du bouillonnement actuel, nul doute que les échanges seront intéressants.
Pascal FayollePour accéder à l'ensembles nos offres :